La saison 2 de Si j’étais quelqu’un d’autre avance toujours avec l‘épisode 5. Et bien-sûr, j’espère que tu prendras autant de plaisir à le lire que moi j’en ai eu à l’écrire !
J’ai également posté l’épisode 4, que tu peux toujours retrouver ici (si le cœur t’en dit et si tu veux comprendre aussi l’histoire aussi).
Sur ce, je te souhaite une bonne découverte, ainsi qu’une bonne lecture !!
Épisode 5 : Ce qu’on ne dit pas nous bouffe de l’intérieur.
J’arrive en haut des escaliers et je respire enfin. En fait, je marche de mieux en mieux à présent mais monter et descendre les marches reste toujours un peu compliqué pour moi. Enfin, surtout les descendre parce que je manque de m’étaler par terre. La montée, c’est juste fatiguant.
Quand je tourne la clef dans la serrure et que je passe la porte de l’appartement, je me rends compte que ça sent bon. L’odeur de chocolat embaume l’air et je souris instantanément. J’adore en manger alors le sentir est un vrai bonheur également. Visiblement Ludovic est rentré plus tôt aujourd’hui. J’apprécie vraiment.
Je m’installe sur la chaise que mon cher et tendre a placée dans l’entrée pour moi et je retire mes chaussures que je range tout de suite parce que je déteste quand les choses trainent dans les pièces : avec ma maladresse chronique et mon sens de l’équilibre, à présent précaire, je dois faire encore plus attention si je ne veux pas m’étaler de tout mon long sur le sol. Je risquerais de faire la tortue sur le dos alors très peu pour moi !
Une fois de nouveau debout, j’attrape mon sac que j’avais déposé près de moi et rentre dans le salon. Plus je m’approche de la cuisine et plus je sens le chocolat. Je m’installe sur un tabouret et j’observe Ludovic, de dos, qui s’affaire sur le plan de travail à tout nettoyer. Je me racle la gorge. Il sursaute et se retourne d’un coup en brandissant le torchon comme une épée. J’éclate alors de rire pendant que je le vois baisser son arme de fortune en souriant. Je m’exclame :
— Alors si je m’attendais…
Ludovic fait le tour du comptoir et vient déposer un baiser sur ma joue en répliquant :
— J’y peux rien si ton raclement de gorge était terrifiant.
— Je t’ai prévenu que je rentrais pourtant.
— Ouais, dit-il en allant déposer le torchon à l’endroit habituel, mais j’étais tellement lancé dans ce que je faisais que je n’ai pas fait attention à l’heure.
— Ceci explique cela.
Il marque un temps d’arrêt avant de me montrer la bouteille de soda. J’acquiesce et il va chercher deux verres pour nous servir. En s’installant à côté de moi, il demande :
— Alors, ça s’est bien passé ?
— Oui, réponds-je après avoir bu une gorgée, en théorie, j’ai fini la semaine prochaine.
— Alors ça, c’est vraiment génial ! Tu dois être contente !
Je ne réponds pas mais je hoche la tête en signe d’assentiment et il me sourit de nouveau. Je finis tout de même par ajouter :
— Tu es rentré tôt aujourd’hui.
Il hoche lui aussi la tête avant de répondre :
— J’ai demandé à mes collègues si ça les dérangeait que je prenne une partie de mon après-midi. Comme il n’y avait pas énormément de monde, ils m’ont certifié que ça ne les dérangeait pas et qu’ils allaient gérer alors, je suis rentré à la maison vers quinze-heures-trente.
— Ça a dû te faire du bien.
Je sais qu’il est épuisé en ce moment et je commençais à angoisser un peu pour lui. Mais son sourire tendre et lumineux finit par me rassurer complètement. Je baisse les yeux et me perds dans mes pensées. En ce moment, je n’ai plus l’impression d’être moi-même. Pour autant, j’ai le sentiment de me retrouver un peu quand même. C’est une sensation très étrange d’ailleurs. Disons que je m’étais perdue pendant très longtemps. Ludovic semble avoir remarqué mon trouble. Il pose sa main sur la mienne et murmure :
— Parle-moi, s’il te plait…
Je relève les yeux et plonge mon regard dans le sien en disant :
— Je ne vois pas quoi te dire.
Il pousse un soupir en fixant un point dans le mur en face de nous avant de se concentrer de nouveau sur moi et d’ajouter :
— Mon amour, je ne peux pas t’aider si tu ne me dis rien. Je vois bien qu’en ce moment tu n’es plus vraiment toi-même.
Je continue de me taire en sentant mes rétines me brûler sous l’assaut de la larme qui manque dangereusement de couler. Il continue :
— J’ai peur pour toi, Lou’. D’habitude, c’est toi le soleil du foyer. C’est sur toi que je m’appuie toujours… J’ai peur d’avoir épuisé toute ta joie de vivre…
Je resserre nos doigts en m’exclamant :
— Non ! Ne crois pas ça ! Ce n’est pas de ta faute, tout est de la mienne ! C’est moi qui ne vais pas bien. C’est moi qui me suis perdue en chemin et qui n’arrive pas à me retrouver.
Je marque une pause pendant que Ludovic m’observe, attentif. Puis je reprends :
— Quand on m’a diagnostiqué ma SEP, j’ai eu un moment de vide. Je n’avais plus l’impression d’être moi-même. Je n’arrive plus à faire du violon parce que j’ai trop peur de l’avenir… j’ai peur de ne plus pouvoir jouer plus tard.
Ma voix se brise tant ma gorge est serrée. Je finis par réussir à continuer :
— Si je ne peux plus en refaire, je n’aurais plus de raison de vivre… Mon art, c’est toute ma vie, c’est tout ce pourquoi je me lève le matin…
— Je suis là, moi… murmure-t-il, de l’émotion dans sa voix. Et je ne te laisserai pas tomber.
— Je suis désolée…
— Désolée de quoi ?
— Ta vie serait tellement plus simple sans moi.
Et j’explose en sanglot. Je sens sa main me caresser tendrement le dos et je l’entends me répéter des « chut » inlassablement. Il finit par me prendre délicatement dans ses bras et m’embrasse le haut du crâne. Entre deux sanglots, je parviens à continuer :
— Parfois je pense à me faire du mal… j’ai envie de me faire du mal, j’ai envie de martyriser ce corps si faible et si inutile ! J’ai même pensé à sauter par la fenêtre une fois…
Je le sens se crisper d’un coup et je continue :
— Je me sens tellement mal d’avoir songé à t’abandonner !
Mes sanglots redouble d’intensité. Je finis par réussir à calmer mon rythme cardiaque et Ludovic me dit avec douceur :
— Ma puce… si j’avais su tes tourments, j’aurais été bien plus présent… C’est moi qui suis désolé. J’étais démuni face à ta détresse et je me disais qu’en étant malgré tout près de toi, ça suffirait. Je ne me suis jamais autant trompé qu’à cet instant.
Je sens sa main aller de haut en bas sur mon dos et finalement, s’arrêter à mes cheveux pour commencer à me les caresser. Il ajoute :
— Tu sais, ton corps est loin d’être faible. Même s’il t’a laissé tomber il y a deux mois, il continue de te porter malgré tout. Tu avances toujours grâce à lui. Et moi, ton corps, je l’aime comme il est. Je t’aime telle que tu es. On ne vit plus dans le passé et on ne vit pas encore dans l’avenir. Tout ce qu’on a, au final, c’est le présent.
Il marque un temps d’arrêt pendant que je relève la tête de mes mains et que j’essuie mes yeux avec un mouchoir en papier.
— Tout ce que tu peux faire maintenant, fais-le. Pas pour moi, pas pour tes parents, pas pour les autres mais pour toi, pour ne pas avoir de regret. Et pour ne pas que dans cinq, dix, quinze, peut-être même vingt ans, qui sais… tu regardes en arrière en t’en voulant parce que tu ne pourras plus faire à ce moment-là ce que tu peux faire maintenant.
Je déglutis et me plonge dans ses yeux. Il a raison. Évidemment qu’il a raison. Il faut maintenant que je vive au jour le jour. Je verrai plus tard pour le reste.
— Et si, un jour, tu ne peux plus faire du violon, alors tu trouveras autre chose à laquelle te raccrocher. Et je t’accompagnerai toujours.
— Tu es tellement merveilleux… merci infiniment pour tout.
— Oh… appelle-moi simplement « Ludovic ».
J’éclate de nouveau de rire. En reprenant mon calme, je finis par dire :
— Je préfère « mon cœur ».
— Va pour « mon cœur » dans ce cas-là !
Puis il ajoute :
— Tu veux une part de gâteau au chocolat ? Fait maison et avec amour, s’il vous plait !
— Oui, s’il te plait.
Il dépose un baiser sur mon front et se lève pour aller découper un morceau et me le ramène. Quand je le mange, je ne peux m’empêcher de le savourer. Qu’est-ce que c’est bon ! Je coupe un morceau avec ma cuillère et le lui tends. Après avoir avalé, je le vois sourire avant de s’exclamer :
— Et bah, je me suis bien débrouillé ! Encore une victoire de canard !
En entendant cette référence à une très ancienne publicité, je rigole franchement. Il est vraiment drôle parfois. Ou bien c’est simplement moi qui suis très réceptive à son humour. En attendant, je ris beaucoup et très souvent avec lui et ça me fait du bien.
Je finis de manger mon morceau puis je me lève et prends les assiettes afin de tout laver. Ludovic m’observe du coin de l’œil puis vient m’aider. Lorsqu’il se dirige vers le salon et qu’il allume l’ordinateur, je sais qu’il va jouer. Je me dirige vers la chambre et je retourne m’assoir sur le lit.
Dans le fond, je ne peux pas dire que je vais de nouveau bien. Mais parler avec mon homme, lâcher ce que j’avais sur le cœur, les sentiments qui me l’enserraient me permet de me sentir beaucoup mieux. Ce qu’on ne dit pas, nous bouffe de l’intérieur. Et si on ne lâche rien, on ne peut pas se sentir mieux non plus. Ludovic a raison sur un point : on ne peut pas se faire aider, si on n’exprime rien et si on ne prend pas la main qu’on nous tend.
Quasiment sans plus aucune difficulté, je me change pour me sentir plus confortable. J’ai tellement envie de rejouer. J’ai envie de ressentir de nouveau l’instrument sur mon épaule et dans mes mains, d’appuyer sur les cordes. Et de me laisser de nouveau aller dans ce monde qui n’appartient qu’à moi et qui a filé entre mes doigts durant ces dernières semaines.
Si je n’essaye pas, je ne pourrais pas savoir si je suis toujours capable de jouer. Je regarde mes mains détendues. Les sensations sont normales. Prise d’une motivation et d’une résolution soudaine, je les serre puis me lève. J’avance jusqu’à mon studio aussi fermement que mes jambes me le permettent.
Devant la porte, je sens l’angoisse reprendre des forces au fond de moi. Je tourne les yeux vers Ludovic, qui m’observe du coin de l’œil. En souriant sincèrement et avec tendresse, il hoche la tête et me dit :
— Ça va aller mon amour. Tu vas y arriver, j’ai foi en toi.
Je m’avance vers lui en répliquant :
— Bisou pour me porter bonheur alors !
Il pouffe doucement puis je dépose mes lèvres sur les siennes. En le regardant dans les yeux, je pousse un soupir et je me retourne pour passer la porte insonorisée. Dans mon studio, une bouffée de bien-être me prend soudain. C’est mon domaine, mon univers. Jusque-là, et depuis la pose du diagnostic, je n’avais plus fait attention à ce sentiment d’être réellement à ma place, ici. Presque en tremblant, je m’avance doucement. Mon violon est à sa place et semble m’attendre. Je m’installe sur le siège en face de mon bureau et de mon ordinateur personnel. Je pose délicatement ma main sur le collier de ma grand-mère et je calme mon cœur qui s’emballe.
Du coin de l’œil, je cherche la feuille de partition sur laquelle j’avais noté la musique que j’avais en tête la dernière fois. Une fois que je l’ai trouvée, je l’attrape et me lève de nouveau pour aller récupérer mon instrument. Je serre de nouveau mes mains pour qu’elles arrêtent enfin de trembler d’angoisse.
« Tout va bien se passer, Lilou »
Je pose ma feuille de partition sur le chevalet. En relisant les notes, je sais au fond de moi que la mélodie sera belle et je souris. C’est le bon moment. Je place mon violon sur mon épaule et je place l’archet sur les cordes.
Ça y est, c’est revenu.
Et je commence à jouer.
Enfin, je suis de nouveau moi, et même si je fais des fausses notes, je ne m’en préoccupe pas. Mes jambes me portent, elles sont fortes et mes bras et mes mains sont disciplinés. Ils enchainent avec une facilité déconcertante les notes que j’avais inscrites sur la feuille. Je sens les larmes couler pendant qu’un sourire se forme sur mes lèvres.
Je pars dans mon monde au moment où la porte de mon studio s’ouvre doucement et que je vois légèrement mon homme m’observer en souriant lui aussi. Comme si c’était lui qui jouait de nouveau du violon après un temps d’absence. Et comme si c’était lui qui était malade et qui reprenait doucement le cours de son existence.
Pendant qu’il referme la porte, je suis toujours dans mon monde. Maintenant, je me raccroche à mon art, à mes mélodies et à mes créations musicales. Mon violon, qui a tant vécu, ne me laisse pas tomber. Comme si l’âme de ma grand-mère était dans mon instrument. Je sais de nouveau qui je suis. Au final, j’ai toujours su qui j’étais.
Malgré ma maladie, je suis toujours « Lilou Marshall ».
Et je suis une Violoniste.
Voili voilou, Ami lecteur, j’espère que ça t’a plu ! On est arrivé au quart de la saison 2… Comme ça passe vite !!
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Sinon, on reprend les bonnes vieilles habitudes en se retrouvant ici dans trois semaines pour l’épisode 6 !
Sur ce, à la prochaine, Ami lecteur, et bien le bonsoir !
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