Si j'étais 1, 3

[Fictions] -Si j’étais quelqu’un d’autre- #3 (S3E3)

Prêt pour retrouver Lilou et Ludo, Ami Lecteur ? Pour ma part, je suis très heureuse de poster l‘épisode 3 de la saison 3 de Si j’étais quelqu’un d’autre. J’espère qu’il te plaira !

Si tu n’as pas encore lu l’épisode 3 de la saison 3, je t’invite à aller te rafraichir la mémoire en cliquant ici.

Sur ce, je te souhaite une bonne découverte, ainsi qu’une bonne lecture !!



Épisode 3 : Parfaits tels que nous sommes…

Quand le serveur repart avec nos deux commandes, je me concentre sur Agnès qui semble ailleurs. Sa peau foncée ne lui permet pas de cacher les cernes qu’elle a sous les yeux. Ma meilleure amie travaille beaucoup et ne se repose pas assez. C’est elle qui le dit, je n’invente rien. Elle a tendance à s’endormir très tard et à se réveiller très tôt. L’effet “auto-entrepreneuse” sans doute. Mais dans le fond, je sais très bien que ça ne veut rien dire. Quelque part, j’en  suis une aussi et j’ai un rythme beaucoup plus traditionnel. 

Nous aimons bien nous retrouver dans ce café. En réalité, nous nous y sommes rencontrées sept ans plus tôt. Et notre rencontre s’est soldée par une puissante amitié indéfectible. Et ce, malgré notre partenariat de travail. Je suis sa toute première cliente en réalité. Quand nous nous sommes rencontrées, elle venait de se lancer. C’était une aubaine de tomber sur elle, pour moi qui peinais clairement à communiquer sur mes pistes musicales. 

Agnès ne m’avait pas spécialement entendue jouer. Elle ne savait pas non plus qui j’étais. Mais quand je me suis présentée après avoir compris quel métier elle exerçait, elle a presque cru en moi tout de suite. Nous avons pris une boisson ensemble, tout en papotant pour apprendre à nous connaître. Et le courant est très vite passé entre nous. Vous êtes-vous déjà dit en découvrant une personne pour la première fois que vous veniez de rencontrer votre grand amour amical ? Et bien c’est ce que j’ai ressenti avec Agnès. Un amour puissant mais totalement platonique. Une très grande amitié. Un point d’ancrage dans une réalité qui me semblait bien triste à cette époque. 

Puis, je l’ai invitée chez moi pour qu’elle écoute ce que je produisais. Et ce fut à partir de cet instant que nous avons conclu qu’ensemble, nous pouvions faire des merveilles. À la suite de ça, nous nous sommes revues souvent. Et grâce à elle, et son travail acharné, j’ai été de plus en plus connue. Ma “petite célébrité”, c’est en partie grâce à elle que je la dois. Alors, depuis ce jour, nous nous retrouvons souvent pour prendre un thé ou un café dans ce même établissement, car il est synonyme de beaucoup de saveurs pour nous deux. 

Agnès baille à s’en décrocher la mâchoire en face de moi en mettant sa main devant la bouche. Pendant qu’elle se frotte les yeux, je m’exclame : 
– Et bah, c’est visiblement la grande forme, à ce que je vois. 

Elle baille une seconde fois avant de dire : 
– M’en parle pas… j’ai très peu dormi cette nuit… 

Je fronce les sourcils avant de demander : 
– Tu as trop travaillé, encore ? 
– Non. J’ai trop joué. 

Ah oui, ma meilleure amie, au-delà du fait que c’est un véritable bourreau de travail, est également une gameuse. Elle joue à plein de jeux vidéo quand elle prend le temps de se reposer.  
– Oh… et tu as joué à quoi ? 
– À Fortnite… 

Elle semble vouloir ajouter quelque chose avant de se raviser. Et je fronce encore plus les sourcils. 
– Nini’… 

Agnès garde le silence alors j’ajoute : 
– Toi, tu ne me dis pas tout… Et tu sais que je suis hyper curieuse. Alors il serait sympa de ta part que tu craches le morceau. Pour soulager ma curiosité. 

Elle pousse un soupir à peine théâtral qui m’arrache un sourire avant de répliquer : 
– Lil’, tu me fatigues. 
– Je sais, mais tu m’aimes alors ça passe. 

Un léger sourire étire ses lèvres. Elle semble réfléchir avant d’avouer : 
– Tu l’auras voulu… J’ai joué avec Baudouin. 
– Et pourquoi tu voulais en faire un secret ? 
– Je ne sais pas trop… 

Depuis le temps, je connais ma meilleure amie. Je sais quand elle est honnête ou non. Comme le nez de Pinocchio qui s’allonge quand il ment, Agnès possède un tic nerveux quand c’est le cas. Elle se gratte la tête compulsivement. Et cette fois, ça ne loupe pas. Même si, au final, c’est assez léger. Je croise les bras et m’adosse à ma chaise en la fixant avec insistance. Elle lève les yeux au ciel avant de pousser un nouveau soupir rempli d’exaspération. 
– Parfois j’oublie que tu me connais si bien… grommelle-t-elle. 

Je hausse les épaules en souriant. Ma meilleure amie se tait le temps que le serveur nous dépose nos boissons sur la table. Nous payons puis il repart, nous laissant seules. Je bois une gorgée de mon cappuccino pendant qu’elle avoue enfin : 
– Je suis amoureuse de lui. 

Pas du tout surprise, je prends le temps d’avaler avant de me pencher vers elle en répliquant : 
– Je le savais. 
– Tu le savais ? 

Je hoche la tête en souriant. Elle me rend mon sourire puis boit à son tour. Devant son air qui demeure toujours bougon et fermé, je reprends : 
– Tu peux me parler de tout, tu sais. 
– Pourquoi tu me dis ça ? me demande-t-elle, interloquée. 
– Parce que je te connais. Et je sens que tu as envie d’ajouter quelque chose mais que tu as peur de ma réaction. 

Un silence s’installe et je distingue sur le visage de ma meilleure amie un véritable combat intérieur. Je pense qu’elle pèse le pour et le contre de ce qu’elle s’apprête à me dire. Je n’insiste pas et continue de déguster ma boisson. En réalité, nous n’avons aucune gêne, ni aucun secret l’une pour l’autre. Nous nous sommes toujours tout dit, sans filtre. Alors je peine à comprendre que cette fois-ci, elle ait tant de mal à se confier. Je le respecte tout de même et j’attends. Elle finit par relever les yeux et les planter dans les miens après avoir vérifié que nous étions vraiment dans notre coin. Sa réaction m’inquiète un peu. J’ai peur de ce qu’elle va me dire. Visiblement, elle n’a pas tué Baudouin, parce que je suppose que nous l’aurions su avec Ludo, quand même. Elle finit par presque murmurer : 
– Lil’, je t’ai menti… 

Là, j’avoue que je suis à la fois perdue et angoissée. Je commence déjà à me demander comment on fait pour enterrer un cadavre… Non, mais je vais un peu loin là tout de même ! Je sens comme un poids me descendre dans l’estomac et dans le bassin. Une sensation très désagréable que je ne ressens pas souvent. Elle ne me laisse pas dans la tourmente pour autant et enchaine : 
– Tu te souviens lorsqu’on a parlé de nos anciennes expériences sexuelles ? 
– Alors oui, mais c’est une discussion qui date… Pourquoi ? 

Elle pousse de nouveau un soupir avant de continuer : 
– Je t’avais dis que je n’étais plus vierge depuis longtemps… 
– Nini’, je ne te suis pas là… Qu’est-ce que t’essayes de me dire ? 
– En fait, je le suis encore… 

Je sens mon cerveau se retourner dans mon crâne. J’ai mal à la tête tout d’un coup et j’ai comme la sensation que mes neurones fument. Je demande encore : 
– Attends, que je sois sûre d’avoir bien compris… (Je me frotte les tempes.) Tu m’as dit que tu n’étais plus vierge alors que tu l’es encore. C’est bien ça ? 

Je la vois qui acquiesce, gênée. 
– Mais pourquoi tu m’as dit ça alors ? 
– Parce que je voulais paraître normale à tes yeux…   

Je marque un silence puis je la questionne encore : 
– Mais… pourquoi tu me serais parue anormale ? Nini’, je ne comprends pas… 
– Je ne ressens aucun désir sexuel pour personne. 
– Oui, et ? 

Agnès ouvre de grands yeux surpris avant de dire : 
– Tu ne me trouves pas bizarre ? 
– Bah non. T’as le droit. En quoi ça ferait de toi quelqu’un d’anormal ? 

Le regard de ma meilleure amie s’humidifie d’un coup. Elle semble véritablement émue. Alors je lui prends la main avec le plus de douceur possible avant de presser tout aussi doucement notre poigne. Agnès enchaîne : 
– En fait, je suis asexuelle. Et pendant des années, j’ai fait semblant auprès de mes potes parce que j’avais peur d’être jugée ou moquée. Ils étaient tous en train de parler des relations sexuelles qu’ils avaient avec leur moitié et moi, j’écoutais. 

Et soudain, je comprends. 
– Tu as peur de la réaction que pourrait avoir Baudouin en l’apprenant ? 

Agnès hoche la tête. Elle semble amère quand elle me dit : 
– En fait, si on se met ensemble, on ne fera jamais l’amour lui et moi… Du moins pas de manière conventionnelle ou comme on l’entend depuis des années grâce à notre chère société… 

Je la laisse continuer parce que je sens que se confier à moi l’a libérée d’un poids. 
– Et je sais qu’on ne le fera jamais parce que l’idée même de ressentir quelque chose entrer en moi me terrorise et me dégoute…

Je finis par dire enfin : 
– Tu sais, dans un couple, l’intimité n’est pas que lorsque les deux partenaires font l’amour… Enfin, au sens que tout le monde connaît, s’entend. J’avais lu quelque part qu’il existait autant de formes d’amour que de couples. Alors, pourquoi ne pas construire ta forme à toi ? 

Agnès sourit en ouvrant de grands yeux pendant que je reprends : 
– Si vous vous mettez ensemble avec Baudouin, tu seras bien obligée de lui avouer ton asexualité. Et s’il te rejette à cause de ça alors non seulement c’est un crétin mais, en plus,  je vais devoir aller lui refaire le portrait. 

J’entends ma meilleure amie pouffer pendant que j’ajoute : 
– Mais Baudouin n’est pas un idiot. C’est un ours, un peu mal-léché avec un humour bien à lui, certes, mais pas du tout un crétin. Tu le sais toi aussi, sinon tu ne serais pas tomber sous son charme. 
– Tu ne trouves pas que je suis une gamine, ou que ça démontre un manque de maturité de ma part ? 
– De quoi ? D’avoir peur de la pénétration ? (Elle hoche la tête.) Non, Nini’. Je ne pense pas ça. Tu as le droit de ne pas ressentir de désir sexuel, et tu as le droit de  vouloir autre chose que ça dans ta relation. Et tous ceux qui te diront le contraire, ou qui te jugeront pour cette raison ne méritent ni ta gentillesse, ni ton amitié. 
– Pourquoi je ne t’ai pas rencontrée avant ? Ma vie aurait été tellement plus simple… 
– La vie va en avançant, pas vrai ? Maintenant, on est là l’une pour l’autre et c’est tout ce qui compte. 

Les larmes aux yeux, Agnès se les essuie d’un revers de main. J’ajoute en resserrant de nouveau notre poigne : 
– Nini’, ne laisse plus jamais personne te dire ou laisser entendre que tu n’es pas normale, d’accord ? Tu es parfaite telle que tu es. Ne change jamais pour personne. 


J’ai laissé Agnès aller de son côté en sortant du café. Après un gros câlin (ou j’ai dû me baisser tant ma meilleure amie est petite.), elle a reculé avant de faire volte-face et un au revoir de la main. Je l’ai observée partir un moment en souriant. 

Ses révélations ne m’ont pas chamboulée plus que cela. Ce qui m’a fait le plus de peine, au final, c’est qu’elle ne se soit pas sentie suffisamment à l’aise avec moi pour oser évoquer son asexualité. D’ailleurs je ne connais pas énormément ce sujet. Il faut vraiment que je me renseigne pour ne pas commettre d’impair plus tard. Même si, connaissant Agnès, elle ne m’en tiendra pas rigueur du tout. 

À présent, j’avance dans la rue tranquillement. J’ai envie de flâner un peu en ville avant de rentrer. L’avenue piétonne est belle au soleil. Les couleurs chatoyantes me font clairement comprendre qu’on vient enfin d’entrer dans ma saison préférée. Symbolique du renouveau, du recommencement… j’ai toujours énormément aimé débarquer au printemps. 

En faisant mon lèche-vitrine, je me rends bien compte que mes jambes commencent à fatiguer. Pourtant, j’ai été assise pendant une bonne partie de l’après-midi. Mais bon, c’est comme ça, je suppose. Certaines choses ont changé pour moi et je l’accepte de mieux en mieux. 

Je m’arrête quelques secondes pour frotter ma jambe droite. Le dos penché en avant, je m’appuie sur ma gauche en respirant calmement. Les gens passent autour de moi sans s’arrêter. Après tout, je ne suis pas spécialement en difficulté. En me relevant, je crois voir Ludo au loin. 

Toute sourire, je me rapproche doucement. (parce que j’ai encore mal à ma jambe et je claudique un peu.) Quand je m’aperçois que c’est vraiment lui, je m’apprête à l’appeler… Et je me stoppe d’un coup. 

Il y a une femme avec lui. Elle est de côté mais du peu que je distingue, elle est châtain plutôt clair et ses cheveux sont raides et longs. Je suis un peu trop loin pour voir leurs expressions. J’avance encore un peu.

Jusqu’à ce que mon cœur se brise en les voyant s’étreindre avec force.



Alors, Ami Lecteur, comment as-tu trouvé ce nouvel épisode ? J’espère que tu as pris autant de plaisir à le lire que j’en ai eu à l’écrire ! Et j’espère aussi que tu ne m’en veux pas trop de le terminer ainsi…

Voici également le petit lien vers le blog de ma meilleure amie, également blogueuse (que tu connais peut-être puisque c’est Novaish) qui a également écrit une fiction. Évidemment, si ça t’intéresse, bien-sûr ! Clique ici.

N’hésite pas à me faire part de tes commentaires sur mes réseaux sociaux (qui sont en liens à la fin de « l’article ».) D’ailleurs, je t’invite à venir me suivre sur Instagram car je suis plutôt active là-bas ! Comme toujours, je me ferai une joie de tout lire et d’y répondre !

Sinon, on commence de nouvelles habitudes en se retrouvant ici dans un mois pour l’épisode 4 !

Sur ce, à la prochaine, Ami lecteur, et bien le bonsoir !

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